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Au fond d'elle même, Belakassiah connaissait les raisons de ses douleurs persistantes, de ses vertiges récurrents. Cela n'était nullement le Mokar, utile en son temps, ni les insomnies dont elle était victime, ni le mal du pays. Certes, Kain était tombé récemment, impuissant face aux coups de Bélerins survoltés. Elle regrettait de n'avoir rien vu venir. Douleurs. Belakassiah pâlit.
Non. La raison était autre et biologique...
Mais de qui ? De qui pouvait être cet enfant qu'elle portait en cet instant ?
Belakassiah passa sa main délicate sur son ventre ; sa décision était prise. Cet enfant ne connaîtrait pas la guerre.
La nuit était bonne conseillère, comme lui disait par le passé cette grande tante dont elle avait hérité d'osselets sacrés. Belakassiah se réfugiait parfois dans ce passé révolu. Le présent. Elle devait penser autrement, préparer l'avenir de ce... Comment le nommerait-elle ? Etait-il seulement enfant de Otto, de Syrus, de Kain, de... non, c'était tout ces deux derniers mois ! A moins que... Non, Belakassiah chassa bien vite cette image.
Il était temps de rentrer à Stella et de construire cet environnement sain qu'elle n'avait pas eu chance de connaître.
Il était temps de raccrocher cette épée, devenue fardeau.
Il était temps de cesser. Belakassiah ne devait plus guerroyer.
Et Stella serait alors son havre de paix, pour elle et son enfant.
Un trait spasmodique déchira le ciel étoilé ; juste le temps d'exprimer un voeu.
(silence)
Comme tout ceci pouvait être si simple...
Dernière modification par Belakassiah (09-10-2009 19:45:57)
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Belakassiah suait à grosses gouttes ; qu’il lui était pénible désormais de se déplacer au travers de racines saillantes, de buissons épineux et persistants, de contourner, d’escalader des souches rongées par le vice et l’insecte. Cette forêt incommensurable regorgeait d’odeurs et de bruits, de sons glauques et de meuglements difficilement identifiables.
Quelque chose bougea, là, non loin.
L’humus avait été remué, des glands, des graines avaient été déterrées. Un sanglier, un cerf ? L’endroit était un paradis pour la faune, un enfer pour la jeune guerrière. Belakassiah écarta une kyrielle de lianes asséchées qui lui tranchait la vue et le passage improvisé. Elle se frayait à coups d’épée, à coups de reins, à coups de rage, tant bien que mal, un semblant de sentier, une piste que peu avant elle avait dû emprunter.
Son regard se brouilla soudain ; sa main libre se posa sur son bas ventre rebondi.
Les douleurs l’assaillaient de nouveau.
Il était temps de regagner un lieu propice à l’événement qui pointait.
La lumière du jour lui caressait le visage. Cette lumière, amoindrie par des brumes inquiétantes dues à la saison, lui redonna confiance.
Une légère brise balaya l'antre boisée et des dizaines de centaines de milliers de feuilles rougeâtres frissonnèrent à chacune des avancées de la belle Stellesi. La forêt séculaire vivait, respirait, haletait. Moments privilégiés.
Belakassiah se retourna ; les compagnons, hors de portée, n’étaient plus visibles. L'obscurité était tenace. Elle devrait se débrouiller seule.
Cela recommença. Belakassiah grimaça ; les contractions étaient perceptibles, trop.
La porteuse du Talion prit peur ; son arme ne lui serait d’aucune utilité dans ce combat. Et elle serra les dents.
Le moment était venu. Enfin.
Un tapis de feuilles serait l’Endroit.
Belakassiah s’allongea. Tout tourna autour d’elle. Les osselets cliquetaient dans sa chevelure rousse et l’Epée fut lâchée, plantée dans le fourreau d’une terre s’apprêtant à accueillir un nouvel être. Belakassiah sentit ses forces l’abandonner ; elle cria, elle supplia, elle appela. Elle était seule, vulnérable.
Un murmure parcourut la forêt. Puis plus rien.
Un cri strident déchira l’aube naissante. Belakassiah sursauta. Son sommeil avait été profond, réparateur. Un souffle glacé fit voleter quelques mèches rebelles et rousses, chargées aussi de perles noircies, de symboles mystérieux, runiques. Belakassiah recouvra alors la mémoire.
Des images, un flux perpétuel de visages, de noms, de lieux. Tant de choses elle se souvenait désormais. Tant de…
La Stellesi réalisa soudain.
Le poids de son labeur lui avait été enlevé. Elle respira profondément, enfin, profitant à cet instant du silence intense de la Grande Forêt. Belakassiah sentit son coeur battre contre le sien.
Les brumes étaient épaisses autour d’elle, d’eux ; la jeune mère tenait dans ses bras son enfant. Le temps sembla s’arrêter alors. Et Belakassiah esquissa un sourire de pur bonheur détournant les yeux de la brume vers cet enfant, son premier. Belakassiah posa son regard sur Lui.
La surprise fut indescriptible ; l’esquisse alors ne fut que souvenir lointain, fugace.
L’enfant était un fils sans nul doute. Mais que dire de plus qui ne soit proche de la réalité, comment expliquer avec des mots simples ce que Belakassiah décryptait de son oeil maternel, noisette, félin ?
Belakassiah réagit sans tarder.
Elle enveloppa son fils dans un linge propre et s’empressa de retrouver la trace de ses compagnons, de son compagnon, du père présumé. Lui saurait quoi faire. Lui saurait que faire quand il verrait ce fils.
Aussi Belakassiah courrait au travers des bois, fendant la brume, bondissant comme jamais.
Une liane descendit nonchalante et sifflante, le reptile fut en rondelles au sol que déjà une nuée d’araignées s’empressait d’y planter mandibules. Un cerf brama à deux toises de l'action, l'arrière train dardé de deux flèches. L'animal croisa la course de la gracieuse féline. Bien mal lui en prit. Belakassiah trancha l’animal.
L’épée vibra dans sa main, affamée, prête à mordre. Une chauve souris perdit une aile, un sanglier s’enfuit affolé devant tant de détermination. L’ennemi était légion… partout, omniprésent… et cette Saison Maudite portait véritablement bien son nom.
De cela, la fière et belle Stellesi ne pouvait plus douter...
Dernière modification par Belakassiah (09-10-2009 20:15:25)
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Cette forêt inquiétante lui offrait des moments infiniment plus agréables que ceux qui avaient précédé. Otto commençait à douter du démon en lui qui, frénétique, n’avait eu aucune considération pour la vie de son hôte… L’impatience s’était-elle transformée en déception ? Maintenant, il semblait rassasié, mais qu’est-ce qui l’empêcherait de transformer la prochaine fois en dernière fois ?
Son corps en profitait pour lui renvoyer les signaux d'alerte qu'il n'avait plus écouté dernièrement. Le cliquetis de ses os, le gémissement de ses tendons, le froissement de ses muscles, le tambourin dans son crâne. Cette symphonie lui rappelait les images des tigres et taureaux contaminés qui l’avaient chassé de la plaine balayée par les vents mutagènes, au Nord de Stella.
Du regard dégénéré des ces monstruosités, ses pensées dérivèrent vers Belakassiah. Otto la savait dans cette même forêt, enceinte jusqu’au cou, à courir parmi les bêtes sauvages avec l’énergie qu’on lui reconnaissait. Enceinte jusqu’au cou… L’échéance était proche… Otto connaissait la terreur que cachait la Lame. Quelle place en tant que mère ? Quelle place pour l’enfant ? Il frémit en même temps que la forêt. Comment s’était passée la cohabitation avec 5 Queues ? Qui du parasite ou du fœtus aurait le dernier mot ? Qu’arriverait-il si elle accouchait en pleine saison maudite parmi la vermine corrompue ?…
La réponse ne se fit pas attendre. Otto se dirigea vers la source de la frayeur qui habitait ce sanglier en fuite. Belakassiah était là, le corps fatigué, la peur dans le regard, le Talion planté profondément dans une énorme araignée, un paquet enroulé dans un linge sale dans l’autre bras. Leurs yeux se croisèrent, des milliers de questions et d’émotions se croisant lors de ce bref échange de regards.
Le Gardien s’approcha doucement de la Lame. Il enleva d’un geste rapide et précis le linge qui recouvrait le paquet qu’elle tenait avec précaution. Elle ne chercha pas à s’esquiver, attentive à sa réaction. Il ne put s’empêcher un mouvement de recul lorsque le bébé fut dévoilé. Aux tréfonds de son être, quelque part derrière son plexus, un rire affreux retentit…
Dernière modification par Otto (09-10-2009 15:09:10)
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Belakassiah frémissait.
La forêt de Brèche avait été la conclusion de ces neuf mois, conclusion au port du "fardeau"; l'accouchement avait libérée la guerrière du Talion du poids de l'Enfant, la Graine était éclose. Chose curieuse elle n'avait pas encore songé à lui donner nom à ce petit bout de graine. Certains augures en Stella saurait combler ce manque. Cependant, force était de le reconnaître, Belakassiah n'était pas faite pour ces épreuves de la vie; sa vie à elle était toute autre : ôter la vie, donner la mort, pourfendre, venger. La jeune guerrière laissa bien vite l'Enfant à Otto, le renommé Gardien du Temple des neuf queues. Pour Belakassiah, la coupe du cordon signifiait beaucoup; la passation de l'Enfant vers son père était synonyme à présent d'enseignement, d'apprentissage, de labeur. Otto était homme à inculquer de bonnes bases; il saurait s'entourer des meilleurs conseillers, des meilleurs précepteurs. Car le Temple allait devenir le Lieu, celui où grandirait l'Enfant.
Les yeux du compagnon de Belakassiah sortaient de leurs orbites; leurs pensées se rejoignaient en cet instant où rien autour d'eux ne semblait avoir guère importance. Il fallait cacher l'Enfant, le protéger du regard médisant de l'autre. Un rire sembla parvenir aux oreilles de la jeune mère. Un frisson fit hérisser le doux duvet roux sur ses bras ; la Lame fut déjà en mains rougeoyante.
Otto libéra Belakassiah de cette étreinte les liant, là, tous trois au milieu de racines décharnées. Angoissant tableau qu'un peintre de Stella aurait pu immortaliser.
La jeune guerrière ne se fit pas prier; elle courut sans perdre de temps, frayant à coups de Talion un échappatoire, une issue au dédale boisé. Cette forêt respirait le Mal et Belakassiah ne souhaitait qu'une chose, sortir de son emprise, fuir ce lieu où pour la première fois et la dernière elle avait accompli acte de vie. Naître ou ne pas naître, cruel dilemme...
Le Temple... Il leur fallait regagner Stella coûte que coûte et nourrir l'Enfant qui hurlait à pleins poumons. Otto fredonna un air de son enfance. Les pleurs redoublèrent. Et Otto cessa bien vite la chansonnette.
Le chemin tracé fut facile à suivre pour Otto et son Fils. Lui non plus n'avait pas pris temps de réfléchir à un nom... Déjà Belakassiah rugissait au travers de la lande, arrachant tête et queue des pauvres animaux croisant sa folie meurtrière; deux chevaux furent amputés, trois chiens succombèrent les tripes à l'air. Qu'il était bon pour elle, guerrière dont peu connaisse l'origine, de brandir cette épée de Pouvoir. Qu'il était bon et dangereux.
Les remparts de Stella miroitait à quelques toises. Encore un effort.
Un archer stelessi rentrait en ville, gibecière pleine ; il subit sa rage. Un flux d'énergie s'engouffra en Belakassiah, les arkhanas alimentaient la Belle... et la Bête derrière suivait du mieux possible. Otto s'était légèrement empâté...
Les ruelles étaient désertes, un autre archer croisa la route de la Rousse farouche, ce dernier ne subit pas sa loi et s'enfuit en hurlant. Ce ne serait que partie remise, Oeil pour Oeil...
Le Temple était devant eux, fier, menaçant, noir de présages. Il serait demeure pour l'Enfant.
Essoufflée, Belakassiah s'accorda un repos mérité et éphémère ; déjà la milice grondait. Aucun répit décidément pour la Porteuse.
Elle se terra, fine silhouette désormais et les gardes passèrent sans la voir. Otto saurait faire le reste; lui seul connaissait les secrets intramuros du Temple. Lui seul savait ce qu'il convenait de faire de l'Enfant de la Forêt de Brèche. Belakassiah n'avait qu'une envie, boire le sang d'un Taureau, boire le sang de l'Animal. Et la Rousse se sentant libre de rire, rit à chaudes larmes. Un vide se creusa au sein de son ventre. Quelque chose lui avait été ôté...
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Otto pénétra dans le Temple du Démon avec le fardeau dans les bras. « Tu sauras t’en occuper, tu connais des précepteurs, tu va te charger de l’éducation de ton Fils… » Belakassiah l’étonnait encore par son mélange de naïveté et de sauvagerie. Cette femme était décidément complètement instable, et quelque part, c’est ce qui l’attirait vers Elle comme l’Astre attire la Foi.
Otto s’enfonça dans les boyaux sordides de l’Antre, peut-être pour y trouver une réponse. Il examina plus attentivement la marque qu’il avait aperçu autour du nombril du rejeton. Huit plis de chair qui se croisaient au niveau du reste du cordon… Le symbole de l’Ennemi du Renard. Le Serpent à 8 Têtes et Queues… Comme par le passé, il avait volé l’énergie de 5 Queues pour s’incarner en ce monde. Le vide que Belakassiah sentait dans son ventre était plus profond que prévu…
La lame de son couteau de chasse jaillit pour aller se positionner juste au-dessus du nombril de l’enfant. Le temps s’arrêta un long moment, Prêt à couper le Mal à la racine, Otto contempla les difformités du bébé façonné en pleine saison maudite. Elles lui donnaient une drôle d’expression, comme s’il attendait une sentence qu’il aurait espéré éviter…
Otto se tenait devant le huitième tunnel, ce paquet plein de cris et de pleurs dans les bras. Il avait fini par s’habituer aux bruits inquiétants qui provenaient du fin fond de cette galerie sinistre à l’abandon. Le Conseil des Neuf avait été très évasif concernant l’utilité qu’en faisait son prédécesseur. Otto n’avait donc jamais fait usage de cette partie du temple, mais cette fois, il lui semblait que l’occasion faisait évidence. Il déposa délicatement le nouveau-né qui hurlait sa rage à l’entrée de la huitième queue, referma la lourde porte en ferraille marquée sur sceau maudit sur lui et abatis les imposants verrous qui le condamnaient à quelque sombre destinée…
Comme pour éviter d’avoir à assumer sa faiblesse, Otto s’élança à l’extérieur du Temple du Démon. D’autres affaires l’attendaient en ville. D’abord, cet archer du répondant au nom de Jetap, qui allait fournir un exutoire bienvenu, et répondre de ses crimes devant l’Oeil du Talion. Ensuite, la cérémonie du Temple du Cerbère, pour officialiser la régence des Trois Têtes. Bref, largement de quoi occuper l’esprit tourmenté d’Otto …
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Otto avait repoussé l’heure du retour vers Stella, mais ses responsabilités l’avaient rattrapé. Ces derniers jours à chasser avec Belakassiah n’avaient pas ôté de son esprit le spectre braillard qui devait hanter le Huitième Tunnel. Avait-il survécu ? Les serpents qui avaient envahi la région au Nord-Ouest de Stella étaient particulièrement agressifs en ce moment. Ressentaient-ils l’influence du Huitième Démon ? La Lame du Talion l’avait aidé à trancher dans l’armée de reptiles, et l’énergie que ce massacre nécessitait avait grandement usé son tranchant.
Stella. D’abord, réparer la Lame dans un recoin de la bâtisse des Oubliés du Temps, où sont stockés les outils nécessaires. Ensuite, l’éloigner du temple du Démon. La chose est facile, elle ne semble pas vouloir se préoccuper du sort du Rejeton, et Roderik, complice de valeur, a besoin de ses compétences. Un rapport de son meilleur veilleur. Les bouteilles de lait de chèvre disparaissent chaque jour que les Astres font. C’est bref mais suffisant pour Otto.
Otto pénètre dans son Temple. Sa jeunesse souvent oubliée le trahit devant la Huitième Porte, qu’il préfère ignorer pour laisser ses pas le porter au fin fond de la Neuvième Queue, dans son sanctuaire si réconfortant. Toute sa concentration se tourne vers le Renard. Il finit par redresser la tête de longues heures plus tard. Le Démon est satisfait, il veut aspirer les arkhanas de davantage de serpents. Une soif nouvelle l'obsède.
Le sentier qui mène vers Occine, emprunté il y a peu. Un serpent se dresse en travers du chemin de l’Elu du Démon. Un sifflement de défi fait vibrer les tympans du jeune homme, qui avale une rasade de Mokar et dégaine sa machette comme pour accepter l’invitation. Le silence retombe sur la campagne Stellesi. Le temps suspend son vol, attendant que l’un ou l’autre porte la première attaque…
Dernière modification par Otto (02-12-2009 16:14:01)
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Deux ans déjà... Dans l'obscurité du neuvième tunnel, Otto interrogea le Démon. Pas de réponse...
Les scellés de la huitième porte le plongeaient dans une hésitation sans issue.
Il faudrait bien se décider un jour à pénétrer dans l'Antre de l'Ennemi...
Un holoring. Voilà la réponse à mes interrogations : la visite au Rejeton sera pour plus tard, tout s'enchaine.
Le Prince Belerin vient de lancer l'expédition, et la Garde Franche fait encore preuve d'une modestie et d'une perspicacité digne d'un Quatre Bras...
Otto sortit du Temple. Dehors, dans la nuit noire, les Astres faisaient honneur à leurs invités.
Combien de temps était-il resté enfermé ? Trop longtemps surement...
Il prit la direction de la porte d'enceinte la plus proche.
Dernière modification par Otto (23-01-2010 12:57:48)
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L’Epée sommeillait, affaiblie, blessée. L’Epée cependant fit ce rêve, celui d’un bain purificateur, d’un plongeon en eaux limpides, d’un égarement abyssal et qui semblait avoir duré plus qu’une éternité. Ce rêve était aussi celui d’un réveil accompagné d’un chant et de lyres, d’une chaleur soutenue, de caresses, d’un repas frugal. Des mains rugueuses et velues ceignaient alors la sertissure d’un pommeau agrémentée de pierres ; des runes scintillaient alors sur la Lame, en écho, accompagnant de façon harmonieuse la plainte des cordes élégamment triturées. Des notes se brisaient, d’autres rebondissaient, insatiables, éphémères, incunables. Repue, l’Epée rejoignit le sein d’un fourreau soigné et orné d’osselets jaunis par le temps ; le sang du phacochère ruisselait à présent goulûment, emplissant à ras bord la coupe posée là. L’offrande était désormais complétée… une substance dont Elle avait su extirper une couleur noirâtre. Le Maître y trempera ses lèvres… bientôt. Et tout alors pourra basculer… enfin. L’Epée frissonna de plaisir. La Fidèle pouvait se consumer, brûler, même rôtir ; ses vies toutes anéanties, elle n’était plus qu’une coquille évidée, une âme errante et haineuse. Le Temps n’oublie rien… et si la mémoire des Anciens parfois peut faire défaut, l’Infidèle désormais saura la leur faire retrouver. La nouvelle lune se lève… le Temps est à l’orage… et que tintent les osselets sacrés, que frappe, que frappe la Main qui hier pansait plaies et maux.
Elle sursauta… Elle était alitée, suant grosses gouttes et des bandages crasseux pour seuls vêtements.
Fuir, fuir…
Cet endroit construit par les hommes n’était pas pour elle, elle qui préférait l’obscurité d’une forêt, la chaleur d’un désert, la… un nom soudain se faisait écho, celui d’un homme dont elle avait goûté les bras, homme dont elle avait connu pérennité de l’espèce… de son espèce…
La jeune fille grogna de rage. S’arrachant du lit, elle se rua vers la fenêtre et sans prendre la peine de rien fondit dans l’obscurité, laissant derrière elle bris de verre, éclats de bois, échardes. Son cœur jaillit dans sa poitrine tandis qu’elle courait dénudée, le cheveu hirsute et rougeâtre ; une écharde bien plus subtile était restée ancrée en son sein, celle d’une rancoeur, d’une injustice.
- Otto… raaaâaa… devra le payer de sa vie… je le jure sur la vie de son Fils…
Et le silence de la nuit engloutit Belakassiah. La saison à venir sera mauve et sanguinolente.
Dernière modification par Belakassiah (23-06-2010 01:53:03)
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La Lame s'enfonça avec une facilité déconcertante dans ses entrailles, lui soulevant un hoquet de stupeur. Son regard croisa celui de sa Bela, et n'y trouva que de la haine, de la fureur à son endroit. Cet instant suffit au Démon pour surgir protéger son réceptacle ahuri par le choc.
Otto décrocha son regard de celui de sa Lame pour contempler sa dague à rouelle, plantée au bout de son bras entre le cou et l'épaule de Belakassiah. Le sang dégoulina abondamment sur son sein. Révolté par cette vision, Il recula brutalement au milieu des deux gerbes de sang arrachées par leurs fers.
Sa Lame... sa Garde... son Aimée... Non, ce n'était plus elle. Son démon transpirait par tous les pores de sa peau tachetée. Otto envisagea quelques secondes un combat à mort entre les deux serviteurs du Talion. Son propre démon le poussait Corps et Esprit à trancher la gorge qui lui faisait face d'un coup de dague. Mais cette simple idée révulsait son Ame.
Otto ne parvenait plus à contenir les Larmes... Il avait couru plusieurs heures sur les Plateaux du Bout des Montagnes, et ensuite ? La fuite... Il n'avait trouvé que la Fuite... Mais il était Elu, il ne pourrait se satisfaire de cette solution bien longtemps. Qui était-il pour la dénoncer ? Qui était-il pour l'abandonner ? Les Agents du Talion avaient tous leur propre démon... Ce n'est pas Ash, subitement disparu il y a quelques années, qui dirait le contraire... Parviendrait-elle cette fois à reprendre le Contrôle sur le sien ? Il ne pouvait s'empêcher d'en douter...
A contre cœur, il s'empara de son holoring pour contacter le Conseil des Astres...
Dernière modification par Otto (23-06-2010 12:04:11)
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Bière.
La jeune femme huma l'air, satisfaite. Des traces de sang maculaient les hauts plateaux et la piste de l'Elu ne serait pas bien dure à suivre...
A moitié nue, la guerrière lécha la plaie que cet Etranger lui avait prodigué. Son épaule était endolorie mais dans sa main pulsait l'arme d'une désunion prochaine. Une séparation de corps... et d'esprit...
Le vent balaya quelques mèches collées.
L'heure était à la chasse. Une chasse à l'homme dont seuls assistaient boucs noirs et chiens cornus, Enfants du Démon.
Un loup plus loin hurla. La mise à mort sera simple. Un second coup, bien placé ; une deuxième banderille avant l'acte final.
Ce qui avait été Belakassiah se rua dans la nuit, traversant, comme un signe, le domaine herbeux d'un taureau aux yeux de braise.
Et le silence de nouveau se fit.
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La surprise fut grande quand Otto aperçu la Traitresse dévaler à pleine vitesse les pentes des contreforts du plateau. Elle avait dû courir comme une forcenée pour parvenir à le rattraper, comme le trahissait son état d'épuisement.
Otto était lui aussi à bout de souffle, mais parvint tout de même à placer sa dague entre lui et la Bête lorsque celle-ci se jeta sur lui. Ils tombèrent ainsi à genoux, face à face, exténués, unit par un fer souillé du sang d'un amour perdu, les hurlements des loups et les mugissements des taureaux pour seul accompagnement...
« Je suis désolé... » finit-il par chuchoter...
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La Furie n'entendit rien. Juste le vent sifflant dans ses oreilles. Juste ces osselets et ces perles pendues aux lianes de ses cheveux défaits.
La chasse avait été fructueuse. L'Infidèle sentit alors une puissance toute nouvelle envahir son corps tandis que d'un geste sûr elle essuyait la lame souillée... Le coup avait été fatal, porté avec une puissance et une adresse qu'elle ne s'était jamais connue.
Otto gisait inerte aux pieds de la sauvageonne. Aucune larme ne filtra au travers du regard flamboyant de la guerrière. Un rictus de dédain put se lire sur sa face démente et dans un murmure rauque elle cracha ces mots:
- Les loups se chargeront bien de parachever mon oeuvre.
Ce furent sur ces mots que l'Elu bascula dans ce qui sembla un coma bien profond. Ses yeux roulèrent sous ses paupières. La lumière s'éteignit...
Il ne sentit pas des mains expertes tâter son corps, le détrousser, le voler.
Belakassiah sourit , chose qu'elle n'avait plus fait depuis... une autre vie.
- Oeil pour oeil, dent pour dent, feu pour feu... voilà ce qui reste à présent de ce passé avec toi Otto, juste du sang, de la chair... mais pas de larmes.
De nouvelles images assaillirent l'esprit de la rousse meurtrière... d'autres victimes attendaient sa venue semblait-il.
Et Belakassiah se mit en chemin suivant la piste que lui dictaient les étoiles, là-haut, narquoises.
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Un grand guerrier rude, le visage balafré et les muscles couturés de cicatrices blanchâtres, portait le coup de grâce à un rat du diable (qui s'agitait faiblement sur le sol après avoir été présenté à sa Claymore), quand son holoring sonna.
Il s'essuya les mains ensanglantées sur sa peau de tigre d'un air distrait, notant mentalement qu'il commençait à être temps pour un coup de pressing chez le tanneur et un bon bain à l'auberge, et décrocha.
- Oui, ici Kain, dit-il de cette voix enrouée qu'ont les hommes qui ne parlent pas beaucoup.
- Je vois oui, continua-t-il en nettoyant son arme sur l'herbe mouillée de rosée. Ah. A ce point là ? Bon si elle passe par ici je vous préviens. Oui c'est ça à plus.
Il resta comme ça un moment, appuyé sur sa monstrueuse épée, ses yeux bleu glace perdus dans le lointain. Alors y avait du mauvais sang entre le couple de fous furieux du Talion. Il avait pas compris les détails, mais dans l'ensemble c'était une bonne nouvelle. Sauf la mort d'Otto, ça c'était plutôt triste. Et que Bela soit virée de la coterie, ça c'était pas jojo non plus. Mais y avait des points positifs dans cette affaire.
Kain avait connu la jolie Bela lors de l'affaire des infâmes belerins et de leur tournoi truqué. Il avait toujours regretté qu'elle soit retourné dans les bras du bel Otto (le charme des grands sanguinaires sûrement), et il se dit qu'il avait peut-être enfin sa chance. Après tout, il avait quand même la grande classe dans sa peau de tigre à présent.
C'était décidé, il allait rentrer dans le prochain village, là au détour de la route. Il allait se faire beau, et puis commander au tanneur plusieurs bougies en graisse de beroboar et une exquise paire de bottes en peau de Naga. Si elle venait de son côté, il serait prêt à la recevoir.
Après réflexion, il décida aussi d'acheter une bonne grosse relicarte d'esquive. On ne savait jamais, ça pourrait aussi servir...
Dernière modification par Kain (24-06-2010 10:40:34)
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Otto se réveilla dans une chambre de l'auberge de ce maudit village, qu'il fréquentait un peu trop à son goût. Il resta un moment allongé là, laissant affluer la douleur dans son corps meurtri. Une autre douleur revint à lui, plus grande, l'englobant dans un abime de questions. Le démon, furieux, lui tiraillait les entrailles.
La perfection dans le geste assassin de la Lame. La maladresse et l'hésitation dans son bras lorsqu'il avait tenté de l'arrêter en lui ouvrant le ventre. Les Astres avaient parlé... Mais Otto ne comprenait pas leur message. Il ne le comprenait plus...
Otto s'assit lentement sur son lit. Comment se présenter décemment devant le Conseil après ça ? Les réponses devaient être dans le Voyage... Un grand et long voyage... Certains s'empresseraient de nommer ça une Fuite, et ils auraient surement raison. Mais qu'avait-il fait d'autre que fuir depuis que ces responsabilités lui étaient tombées dessus ? Savait-il seulement faire autre chose ?...
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La mort était à l'origine de tout cela...
La jeune guerrière ne pouvait déroger à cette règle répondant par une marche forcée à l'appel intempestif de voix mielleuses, susurrantes, vindicatives, diaphanes. Ses pas l'y conduire. Vers cette mort annoncée et atroce.
Cette région lui était inconnue mais dans le tréfonds de sa mémoire de femme, Belakassiah crut reconnaitre là une région qui par le passé avait connu moult péripéties dont un drame familial, celui de trois soeurs trompées, abusées par un même homme.
Ces réflexions étaient celles d'une femme récemment séparée de corps ; des pensées issues d'un rêve dont il s'avérait qu'il était de fait véritable cauchemar... La piqûre fut sans appel et Belakassiah n'eut pas même le temps de dégainer son arme. Elle entrouvrit un oeil, juste un éclair, une ombre gigantesque, celle d'une bête octopode dont les yeux aussi au nombre sacré de huit la regardait agoniser.
- Oeil pour oeil, dent pour dent, pied pour pied...
Belakassiah se répandit dans la nuit, fatiguée.
L'araignée avait fait là de la belle oeuvre... Un rire, un écho étreignit les hauts plateaux, les monts lugubres du Kafka, région maudite des Trois Soeurs. La saison à venir n'annonçait que le pire...
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Syrus se trouvait dans la forêt de Brêche, a tenter de pister un "Fantome"... Il avait fait des centaines de lieues (il lui semblait tout du moins) pour essayer de trouver ce qu'il cherchait et il était certain de toucher au but. Mais alors qu'il venait d'occire un cheval ailé qui était venu jouer avec lui, son holoring sonna. Essuyant sa lame et pestant contre l'équidé qui une fois de plus lui avait perdre les traces déjà difficiles a suivre, il regarda la provenance.
Il s'agissait d'Otto. Il eut tout d'abord du mal a croire ce qui était dit. Bélakassiah ? LEUR Bélakassiah ? Il savait la guerrière redoutable à plus d'un titre, autant avec une arme a la main qu'à l'aide de ses charmes. L'annonce qui suivie de l'achèvement du Gardien du Talion le fit presque trembler. Elle avait passé le point de non retour. La décision au sein du Conseil des Neufs fut prise rapidement. La guerrière rousse n'était plus des leurs. Il n'aurait jamais imaginer devoir faire cela, et surtout pas envers celle qui avait été un compagnon d'arme, même plus peut-être...
Il prit son holoring et contacta l'intendant de la coterie.
- Faites savoir que Bélakassiah... dés ce jour...les mots étaient durs à prononcer, bien plus qu'il ne l'aurait imaginé.
- La guerrière ne fait plus partie des rangs des Oubliés du Temps. Il s'agit désormais...d'une ennemie.
Il referma son holoring sans tarder. Il essuya une poussière qu'il avait dans l'œil tandis qu'il tentait de retrouver les traces qu'il suivait depuis maintenant plusieurs jours.
Dernière modification par Syrus Raknaryne (25-06-2010 22:28:17)
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Le corps meurtri de la jeune femme dévala la colline sans faire bruit. Une chèvre broutait là tandis qu'un chat chassait ; l'Intrus passa son chemin sans que ni l'un ni l'autre ne la remarque. Belakassiah était élément du décor, une brise qui caresse la joue, une griffe qui déchire entrailles.
Mais ce corps, corps qui avait été Belakassiah et qui l'était encore, ne répondait plus qu'aux injonctions d'un seul. Esprit, Démon, Entité. D'aucun n'aurait pu donner nom à cette Chose, ce Dark Passenger, cet Intrus qui dévorait l'âme de la belle, s'en nourrissait. La Chose s'était réveillée à l'approche de cette nouvelle saison. La Chose désormais avait faim en ce premier jour de la Saison de la Lune mauve.
Belakassiah huma l'air. Une odeur familière, une chair convenable semblait avoir passé là chemin ; Belakassiah esquissa un sourire carnassier. La mémoire d'une cellule cru comprendre de qui cela pouvait s'agir.
Belakassiah, mue par la Chose, dégaina l'Acier, cette noble épée qui saurait s'abreuver bientôt du précieux nectar et d'arkhanas succulents.
Déjà la Chose avait disparu, se fondant dans l'épaisse végétation. La Chose était Estomac, la Chose était Dent, la Chose était Famine...
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Son dernier cri déchira le quartier Culae. Otto tomba à genoux sur le sol, impuissant. Son intuition l'avait mené dans la bonne ville, et il avait bien intercepté la Traitresse au pied de la grande tour de l'aéroport. Il avait crié tout ce qui avait pu pour faire entendre raison à la Lame. Il avait était incapable de la punir quand celle-ci avait tourné le dos pour s'enfoncer dans la ville, assourdie par sa soif d'arkhanas. Il avait encore crié de douleur et de frustration alors qu'elle disparaissait de son champ de vision. Mais cela n'avait pas suffit...
Son holoring interrompit le silence. Les Bannis étaient revenus à Stella... Et déjà plusieurs agressions à déplorer. Le dilemme s'insinua en lui. Suivre la Possédée ou retourner à Stella pour assumer ses responsabilités... Curieusement, aucune des deux alternatives n'éveillait son envie d'arkhanas. Otto se prit à repenser à cette légende relatant un cas de lévitation sur une île paisible... La mission que le Conseil avait confié au Talion lorsqu'ils étaient deux et unis, inséparables... Voyager loin, très loin...S'éloigner de ces souffrances ?...
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Otto errait dans la capitale, sans but. Sans s'en rendre compte, il pénétra dans un parc arboré, vaste et, paisible, comme pour échapper aux regards des nombreuses statues qui bordaient les rues. Au détour d'un sentier, le château intérieur lui apparut entre les arbres.
La masse imposante de l'édifice lui tomba dessus comme un gifle en travers de la tronche. Ses responsabilités se reflétèrent comme dans un miroir devant la demeure du Roi de ce Royaume. Résigné, il se dirigea vers l'entrée de la première enceinte...
Dernière modification par Otto (01-07-2010 11:40:19)
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Une douleur atroce. Au creux de son ventre. Aujourd'hui était le jour.
Belakassiah suait à grosses gouttes. Les images enfouies depuis une année ressurgissaient en flux continu. C'était chaque fois pareil en ce jour. Celui de cette naissance. Celui de cet anniversaire maudit qui avait fait d'Elle non pas une femme... mais une mère. Les crampes persistaient comme pour souligner ce jour.
Belakassiah prit peur. Une voix résonnait. Celle d'un inconnu qui au fond n'en était pas un. Familière, cette voix l'incitait à poursuivre sa quête.
La douleur prit fin. Une envie de meurtre étreignit la jeune fille. Fuir. Encore. Laisser ses jambes la porter.
Fuir. Prendre le large. Changer d'air.
Jour maudit. Père maudit. Enfant maudit.
La rage se lisait désormais sur le visage de la rousse intrépide.
- Une victime... vite... raaaah... il me faut une victime!
Belakassiah s'allongea sur le ponton ensoleillé attendant un prochain bateau, un prochain départ, une nouvelle année...
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Avec la fin de la saison maudite, Belakassiah reprenait peu à peu conscience des actes qu'elle avait commis et de ce fratricide sur ce frère d'arme, Elu de son coeur. Rien qu'à cette pensée ce dernier s'en trouvait déchirer; comment avait-elle pu commettre cet acte de folie ? Ne se devait-elle pas de lui venir en aide, de le soigner, de le protéger ?
Les effluves néfastes de cette période étrange se dissipaient et le jeune guerrière arborait maintenant un tout autre visage. Cette charmante ville d'Yvregrain l'y aidait en cela. La chasse y était fructueuse et les rares rencontres semblaient paisibles. En tout les cas, Belakassiah avait rongé son insatiable envie d'en découdre et elle préparait judicieusement son retour en terre stellesie. Cet exil avait par trop duré et il était grand temps de faire Mea Culpa auprès des Oubliés... Il en était de son honneur et de son autorité à conserver sur elle l'Arme Qui Rendait les Coups, Coup par Coup.
Déjà Belakassiah songeait-elle à reprendre figure humaine et s'empressait de trouver des habits décents ; ses loques qu'elle traînait depuis le début de la saison maudite ne la valorisait pas. Elles 'en rendait à présent compte en croisant le regard inquiet des badauds. L'usurier d'Yvregrain avait d'ailleurs mis un moment avant d'accepter un retrait conséquent de la part de l'intrépide guerrière. Un sourire avait cependant levé les doutes et les choses s'étaient mieux passées chez le tanneur qui lui déballa tout sa marchandise: des sacs, des porte monnaies, des gibecières... Belakassiah eut un faible pour un nouveau modèle et ressortit avec, allégée du poids de tant de deniers.
L'air était frais. Belakassiah songea à Otto... Que pouvait-il bien faire en cet instant ? Pourvu que rien de fâcheux ne lui soit à nouveau arrivé ; le pauvre homme avait dû être profondément déçu de cet affront qu'elle lui avait concédé ! Il paraissait tellement abattu et fragilisé...
Belakassiah respira posément ; elle savait que leurs retrouvailles se feraient bientôt. Elle en était convaincue.
Belakassiah sourit et ce sourire nouveau n'avait rien de carnassier. Enfin.
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Entrevoyait-il le bout du tunnel ? Avait-il seulement une fin ? Toujours est-il que pour la première fois depuis la Trahison, un flot d’arkhanas s’insinuait en lui, le soulageant quelque peu. Tout en ramassant la carcasse du chat des mures qui ne foulerait plus le sol d’Arkhan, Otto sentit monter la frustration de 9 Queues, son insatisfaction, son manque. C’était malheureusement tout ce que le Réceptacle avait à offrir à son Hôte…
Cette Saison Maudite avait été la pire qu’Otto avait eu à traverser. Même l’Invasion des Pestules passait pour une agréable distraction à côté du trouble dans lequel était plongé le Gardien du Talion. Son Esprit était toujours occupé par le Visage plein de Rage de la Lame, au moment où elle lui avait volé son énergie. Que devenait-elle ? Était-elle toujours sur le Royaume d’Anton ? Est-ce que la Milice du Roi avait pris les mesures qu’il leur avait conseillées ? Pas de nouvelles du Capitaine depuis qu’il était revenu à Stella… Peut-être était-il déjà trop tard, et que l’Insaisissable avait mis quelque autre plan à exécution, dicté par son Démon…
Son retour à Stella n’avait rien résolu, bien au contraire. Fenrir et le Cerbère avaient rendu justice à sa place, guidés par l’Hippogriffe, et chiens cornus et pégases avaient dressé un barrage mortel devant le Talion, le plongeant dans un abîme d’inconsciences. Le Sphinx était venu à son secours, l’avait remis sur pieds, et il errait maintenant au milieu de la plaine, convalescent, inutile, abandonné, trahi. Ses souffrances s'estomperaient-elles une jour ? N’osant se l’avouer, il était convaincu au fond de lui qu’il lui faudrait se retrouver face à face avec Elle pour qu’une Fin se dessine, quelle qu’elle soit…
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Encore toute convalescente de sa dernière déconvenue d'avec la faune locale, Belakassiah fit alors une intrigante rencontre.
Ce petit hameau abritait décidément bien des surprises. C'est sans hésitation aucune qu'elle prodigua donc ses soins au valeureux guerrier en sang. Celui-ci venait de franchir les barrières de bois, un homme, à n'en pas douter, un expert du combat. Ces yeux ne laissèrent nul répit à la jeune guerrière rousse, troublée. De par le passé déjà c'était produit cet événement par deux fois.
Il y avait eu tout d'abord Otto, un compagnon puissant en son temps, mais sur le déclin. Belakassiah n'avait pas cru bon le garder.
Il y avait eu ensuite sur Bélerim, le puissant Kain, éveillant chez Belakassiah des émotions qu'elle avait cru ne jamais ressentir.
Il y avait désormais un troisième élu, un guerrier au nom évocateur et bestial. Et surtout ces yeux...
Tout en pratiquant son art, Belakassiah fit connaissance. Ses doigts ondulaient sur la peau ruisselante du beau ténébreux, ses ongles évitaient cependant de raviver de vilaines blessures. Le guerrier, originaire de Bélerim, ne fut pas non plus insensible à ce charme bienveillant. Sa surprise fut à la hauteur de son attente et l'homme, ébouriffé, put de nouveau poursuivre son chemin. Il ne manqua pas de se retourner une dernière fois en voyant la rousse de Stella affûter l'arme du Talion, arme méritoire suite à la chasse aux pestules.
Belakassiah se sentait observée et sourit. Son côté animal venait d'être de nouveau mis en éveil. Les prochaines chasses s'annonçaient terribles et difficiles.
Belakassiah toussota ; la dernière morsure de l'araignée géante qui l'avait terrassé se faisait encore ressentir. Le poison fatal coulait encore dans des veines déjà surchargées de mal. Le Démon n'était pas mort. Mais la fin semblait proche...
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Curieusement, de nouvelles forces jusque là insoupçonnées avaient permis à Belakassiah de reprendre du poil de la Bête.
C'est avec hargne qu'elle quittait le hameau tranquille où elle avait eu loisir de s'exercer et de peaufiner certains arts manuels.
La guerrière traversait à présent des plaines verdoyantes ne rencontrant que Sasquatch, Naga. Autant de proie qu'elle prit soin d'éviter.
Elle marchait ainsi depuis des jours jusqu'aux portes d'un vaste désert; déjà scorpions et vents de sable l'accueillaient de façon cinglante.
Belakassiah entreprit de ramper. De dune en dune, elle se mit à couvert de cette chose étrange qu'elle voyait surgir devant elle.
Un impressionnant serpent vint la saisir à la gorge tandis qu'elle bivouaquait s'offrant une bière tiédie par le voyage. Lâchant son bien et pestant, ce n'est pas sans mal que Belakassiah se défit du vertébré monstrueux, le rejetant quelques ergs plus loin. La plaie était profonde ; un foulard et un peu de fond de teint permettrait de masquer les traces des crochets dans ce cou si tendre. Déjà d'autres bestioles avaient flairé la présence de la belle Stellesi. Il lui faudrait encore ramper... plus loin, beaucoup plus loin.
Son ventre gargouillait. Le monstre en elle réclamait son dû ; cela faisait bien longtemps qu'Il n'avait pas ressenti les bienfaits d'une absorption massive d'arkhanas. Il faudrait songer y remédier dès la venue de la Saison. La lune mauve ne tarderait plus. Bientôt.
Un cactus ramena Belakassiah à la dure réalité. Elle ondulait tel un reptile à travers le désert infini. Un lambeau de peau s'étiola soudain...
La mue avait déjà commencé...
Dernière modification par Belakassiah (06-09-2010 18:40:37)
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Les sables du désert n’avaient pas eu raison de la jeune femme ; la détermination, la force et l’esprit liés ainsi à la Lame avaient vaincu, une fois de plus. L’omniprésence du soleil et la réverbération avaient néanmoins joué quelques tours à l’intrépide Belakassiah qui rampait depuis de nombreux jours.
Des visions ?
La guerrière croyait parfois entrevoir une oasis plus loin, repoussant à chaque fois les limites de son endurance, la contraignant à poursuivre l’effort, encore. Etait-ce un attroupement, celui de félins carnassiers ou bien encore la démarche et la silhouette familière d’un bandit de renom ? La fièvre… Voilà toute l’histoire.
Que ferait donc ici ce gredin de Grenat au milieu d’un désert ?
Par prudence, Belakassiah mit deux grands coups d’épée dans ce mirage. Il disparut comme en rêve.
La route était encore longue et le sac de la Chasseresse salvatrice de Stella bien vide de bières, qui elles aussi l'eurent été tout autant.
Comment expliquer cependant ces traces sanguinolentes de griffures dans son dos, labours qui avaient maltraité cette peau autrefois si frêle ? Brûlures, boursouflures, piqûres d’insectes… Mue?
Belakassiah songerait à l'avenir de prendre avec elle de ces onguents verdâtres qui protégeaient la peau des morsures du soleil.
Le désert à perte de vue. Soif. Ennui. Un scorpion.
Belakassiah avait connu de meilleure passe par le passé. Otto… Kain… Mat… Que ne donnerait-elle pour masser à nouveau ces corps ruisselants et puissants ?...bon, c'est vrai celui de l'un des trois guerriers aurait besoin de plus d'exercice... mais de petites bouées n'étaient-elles pas non plus agréables à pétrir ?
Tiens, un autre scorpion...
Le désert resterait un souvenir mitigé ; les sables du désert n’avaient pas eu raison de la jeune femme. Hahahaha...
Et à l’approche de la nouvelle saison, n’était-ce pas la raison qui l’avait fui, elle, la fille de Stella, la Renégate, la Maudite ?
Du sang sur ses mains...
Dans le doute, Belakassiah irait s’enquérir de cette prime aux geôles les plus proches… Qui sait ? Peut-être avait-elle décroché le pactole avec cette apparition bien étrange qu'elle avait cru occire ?
Etrange. L’ondulation miroitante du désert pouvait vite en faire voir de toutes les couleurs…
La nuit apporta un peu de fraîcheur au-dessus de cette tête rousse. Et une lune bienfaitrice fit son apparition.
Haaaaaaa... quiétude du désert et ce vent qui se lève... les scorpions dorment-ils la nuit ?
Heureusement le mauve pour bientôt serait la couleur fétiche.
- Qu’il me tarde ! souffla la belle aux mèches rebelles.
"Moi ausssssi", siffla la Chose qui exprimait là son désarroi et son insatiable faim d’arkhanas.
Au loin, le son d'une corde qui vibre par intermittence ; un arc puissant, celui d'un archer qui sur les pas de Belakassiah semble marcher.
Serait-ce... ?
"... plus tard. J'ai des projets pour toi."
La Chose ondula et les sables disparurent. La Chose ondula et des congénères tentèrent de La charmer.
"Sssssssssssssssssssss. Laisssssssez passssser Belakassssssiah. Elle est mienne. Sssssss."
Dernière modification par Belakassiah (12-10-2010 20:11:56)
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