Forum Arkhan

Gémini en sortant des Ruines avait décidé de prendre les devants et de partir à l'aventure pour découvrir les alentours de la région de Stella, et bien quelle aventure elle vivait, après avoir arpenté les verdoyantes prairies ou elle avait croisé de beaux Taureaux, elle avait décidée d'obliquer vers l'Est histoire de profiter un peu de l'air ambiant.

Les Séneçons avaient décider de rentrer à Six-Fleurs à pieds pour s'offrir de bons repas et mettre à jour leur cartes.

Après plusieurs jours de marche et une escale à Caltian, petit bourg sympathique mais vide, elle se décida à couper par la foret pour trouver de quoi s'approvisionner, bien lui en prit, elle tombe nez à nez avec un Cerf pas trop finaud, prenant son courage à deux mains, elles assènent quelques coups de Batons à cette béte mais pas assez pour la faire chuter, après une bonne nuit de repos, elle reprend un peu son chemin dans la foret ténébreuse et retrouve son Cerf qui a la gigote facile, c'est alors qu'elle voit aussi Otto qui court lui même après un morceau de viande avec des cornes, un petit peu de papotage avec lui et Gémini pense que voilà un etre Sage et Bon, elle est ravie de croiser enfin quelqu'un de civilisé. Gémini assène alors un grand coup derrière la tête de l'équidé qui s'effondre en couinant et décide de reprendre la traversée de la Foret de la Breche en attendant de découvrir le prochain village non sans avoir fait part à Otto qu'il y avait un monstre un peu plus au Nord-Est tout disposé à prendre des coups sur le museau.

Après avoir croisé quelques Lions et Tigre, Gémini arrive alors à Einak ou un Renard campe devant la porte, elle contourne la fourrure et entre sans se faire voir dans le village. Et là à sa grande surprise il y a du monde le lendemain matin, les Oubliés du Temps arrivent un par un, d'abord Otto que Gémini est contente de revoir puis le puissant guerrier Kain et le non moins grand Zébu Rayé, et bien à eux deux, ils ont terrassés un Tigre en deux coups de cuillères à pot. Gémini est admirative, quand elle arrive à coté de ces betes immondes, elle est obligée de lever la tete pour apercevoir la tete de cette bestiole à poil qui fait 4 têtes de plus qu'elle.

Otto propose à Gémini de faire un bout de route ensemble, ce qu'elle accepte bien volontiers, néanmoins elle le prévient qu'elle attends quelques amis Séneçons avant de reprendre cette difficile route qui les attends, rendez-vous est prit, Gémini contactera par Holoring Otto et Kain dès que les Séneçons seront prets.

Gémini se dirige alors d'un pas guilleret vers l'auberge pour se reposer un peu et prendre un bon repas, elle espère qu'elle trouvera quelqu'un pour partager son humble pitance.

Dernière modification par Gémini (17-02-2010 19:01:51)

Cette forêt grouillait d'une vie riche et diversifiée. Otto, Kain et Zébu Rayé s'y sentaient bien, et de fil en aiguille s'éloignèrent inexorablement du petit village d'Einak, s'enfonçant toujours plus profondément dans une végétation luxuriante. Peu habitué à côtoyer d'autres que sa Lame, Otto se surprenait à apprécier la compagnie de ces deux guerriers. Ils contournèrent une zone orageuse par le Nord, en limite d'orée, prenant bien soin d'éviter la plaine de laquelle provenait, la nuit, des hurlements inquiétants.

Depuis que Gémini avait essuyé de vilaines morsures d'un renard, ils avaient perdu contact avec les Seneçons, et ils étaient maintenant trop loin pour envisager faire route commune. Dommage... Peut-être ceux-ci passeraient-ils par la route, plus rapide mais moins sûre ? D'après les relevés topographiques du Temple de l'Hippogriffe, la délégation ne se trouvait plus bien loin de Delidar. A deux jours de marche, tout au plus.

Kain proposa d'établir un campement là où un autre renard était tombé sous leurs coups. Il leur fallait se reposer. Demain, s'ils ne subissaient pas d'ici là l'assaut d'un ours affamé, ils partiraient pour la longue marche qui leur permettrait de clore la première étape de leur mission. Sans se l'avouer, chacun espérait que le Clan les accepteraient dans l'enceinte de leur Cité. Il ne faisait pas bon dormir dehors dans cette région...

La première constatation en arrivant devant Delidar c'est que la région n'était pas très hospitalière. Kain n'avait jamais vu autant de monstres tellement plus forts que lui au même endroit: Chacal de Feu, Cabre d'Or et même des Loups Infernaux, qui étaient réputés après la mort servir sous les ordres du Cerbère lui-même comme gardiens des enfers. Rien qu'à les voir, plus gros que des chevaux, les yeux couleur de flamme et la gueule comme une vision de démence, on comprenait qu'il était difficile de trouver meilleur garde-chiourme pour remettre les âmes dans le droit chemin.

Autant dire que les dernières lieues vers Delidar ne furent pas parcourues avec un grand soucis pour la dignité de la délégation. Ca ressemblait plus à un sprint en plein campagne qu'à un défilé de notables. Kain se fit la réflexion en passant que l'isolation de Delidar était peut-être moins due à ses moeurs qu'au fait qu'il était quasi-suicidaire de chercher à entrer ou sortir de la cité. Il ne le savait pas, mais il allait bientôt se rendre compte à quel point il se trompait.

Ils arrivèrent enfin devant une des grandes portes de la cité, le bois épais et durci par l'âge, aspé de fer qui plus est. Et les gonds et les renforts de la porte paraissaient bien rouillés. On ne recevait pas souvent, à Delidar.

Ne voyant personne, ils cognèrent avec force sur le métal, faisant un vacarme presque aussi infernal que les loups qu'ils fuyaient. Finalement une tête apparut aux crénaux, et le bout d'un arc avec.

"Qui va là?" demanda une voix chargée de menace.

"Nous sommes des voyageurs Stellesi, en mission de paix auprès de Delidar. Pourriez vous nous accorder l'entrée?" demanda Otto.

C'est alors qu'ils furent confrontés pour la première fois à l'hospitalité légendaire de Delidar.

"Holà, qui ne connait le nom de notre peuple point n'entre !
Vous n'entrerez qu'après avoir prononcé le mot de passe."

Les aventuriers-diplomates se regardèrent, incrédules. La nuit tombait, les loups hurlaient, et on leur demandait un mot de passe!

"Non, mais on peut pas discuter de ça à l'intérieur plutôt?" demanda Kain, qui voyait le soleil baisser avec appréhension.

Le regard glacial que lui jeta le garde était une réponse des plus éloquentes.

"Delidariens?" demanda Otto, de guerre lasse.

Toujours pas de réponse, juste un sourire moqueur.

Ils s'escrimèrent donc à chercher le mot de passe, sous l'oeil amusé du débile en armure. A la fin, si il n'y avait pas eu 5 pieds de pierres entre eux et le garde Kain se serait servi de sa tête casquée pour enfoncer la porte. Il en était à se dire que la réponse devait être 'Dégénérés consanguins lâchement planqués derrière leurs murs.'

C'est alors qu'ils décidèrent de faire appel aux ressources du conseil. Ils contactèrent donc Al Kabyihr, le Gardien du savoir, qui consulta ses livres secrets avec enjin. Ils leur proposèrent une réponse qui, pour Kain, n'avait aucun sens. Il essaya, dans le doute. La surprise remplaça la joie idiote dans les yeux du garde, et il marmonna quelques mots à un collègue derrière lui. Après un temps qui parut infiniment long à la troupe, un des battants s'entrouvrit dans un grincement de ses gonds rongé de rouille.

"Faites gaffe étrangers, on vous a à l'oeil." marmonna le même garde qui les avait nargué du haut des remparts.

Il s'en fallut de peu que Kain n'enfonce son poing dans son petit visage chafouin. Le traiter d'étranger, lui!

Dernière modification par Kain (22-02-2010 11:38:26)

Alors que le soir tombait sur la ville, la rendant encore plus sinistre, une corne de brume retentit soudain depuis un haut bâtiment, se répercutant violemment contre les enceintes fortifiées de la cité. À ce son, les rares clients encore à l'auberge se levèrent et quittèrent le lieu en toute hâte tandis que l'aubergiste baissait la lumière des lampes et tirait prestement les volets. Puis il sortit une grosse clef en fer de sa poche et ferma la porte à double tour. Il retourna alors derrière son comptoir et termina d'essuyer les verres. Une jeune femme passait le balais dans la salle et posait les chaises sur les tables.
Tout cela dans un silence de mort et bien que personne n'ait demandé aux Stellesi de partir, leur présence dans la salle commune de l'auberge était de trop... ils le sentaient sûrement, ils devaient le sentir ! Alors que l'un d'eux hésitait peut-être à recommander un verre, ils s'abstinrent, sans vraiment savoir pourquoi... par intuition. Alors qu'ils s'apprêtaient à finir à la hâte leurs chopes pour rejoindre leurs chambres au plus vite, de violents coups sont frappés à la porte.

- Milice !!!! Ouvrez !!! Aubergiste ouvrez !!! Milice !!!

La jeune femme lâcha prestement son balais au milieu de la pièce et s'enfuit en courant par la porte des cuisines tandis que l'aubergiste fouillait dans ses poches pour retrouver la clé en allant d'un pas pressant vers la porte et en balbutiant :

- Voilà, voilà... tout de suite... voilà voilà...
- Ouvrez !!! Au nom du Haut-rêveur ouvrez !!!
- Si fait, monseigneur... tout de suite... voilà.

L'homme ouvrit enfin la porte, suant, tremblant de tous ces membres tandis qu'une flopée de miliciens entraient dans la pièce avec force, lances, épées et torches. L'un deux portait un casque plus ornementé que les autres, il n'était pas bien difficile à comprendre à sa stature et son regard qu'il était le plus gradé. Rien à voir avec les gardes croisés jusque là. Il dépassait d'une bonne tête n'importe lequel de ses hommes et sa robustesse n'avait d'équivalence que son air autoritaire.

- Vous devriez être fermé !!! Vous n'avez pas entendu le couvre-feu ?!!!
- Ce que.. voyez-vous... la vaisselle...
- Oui, oui... où sont les étrangers ?!
- Si fait, monseigneur, ils sont là...
- Pourquoi ne sont-ils pas dans leur chambre ?!! Personne ne leur a donc expliqué les coutumes ici ?!!
- C'est que, monseigneur, les gardes nous ont interdits de leur parler tant qu'ils n'avaient pas été appelés...
- Oui, oui... Vous avez réponse à tout à ce que je vois !

Puis le l'homme en arme se tourna vers les Stellesi.

- Suivez-nous étrangers, le Capitaine veut vous voir. Pas d'histoire et tout ira bien.

Otto resta un moment figé, à dévisager le chef de la Milice. Une petite voix au fond de lui faisait remarquer, surement à juste titre, que les arkhanas de cet être arrogant devaient être bien savoureux… En d’autres circonstances, il l’aurait bien vérifié par lui-même, mais ses responsabilités devaient l’emporter sur ses pulsions. Il  sentait le regard insistant de Kain qui lui rappelait ce fait.

La mission s’annonçait plus difficile que prévue... Son jeune âge et sa fonction ne l’avaient pas préparé à ce genre de situation. Il avait pour habitude de ne pas demander l’avis des cas qu’il traitait, le Conseil l’ayant déjà fait pour lui. Il regretta une nouvelle fois qu’un Élu plus modéré ne se soit pas joint à l’expédition.  Mais les Astres les avaient placé en cette position, et leur jugement ne pouvait être mis en doute. Le Démon à 9 Queues et le Cerbère avaient été choisis pour décider du sort des relations entre Stella et Delidar, et ils le feraient… à leur façon.

Dans cette tension palpable qui c’était installée dans cette étrange auberge diurne, Otto se décida donc à prendre la parole. Les mots sortirent à un rythme soutenu, comme s’ils les avaient répétés à l’avance :

« L’Histoire, nous sommes venus précisément pour l’écrire, et c’est uniquement pour cette raison que nous vous suivrons pour parler avec votre Supérieur. Que tout aille bien ne dépendra que de vous. Que vous arrêtiez de nous donner de l’étranger à tout va faciliterait par exemple nos relations en ce sens. Nous sommes ici deux membres du Conseil des Neuf de Stella, la Cité des Astres. Effectivement, sur vos terres, nous sommes des étrangers, mais Kain ici présent devient quelque peu sensible lorsqu’on lui rappelle ce fait. Je pense que vous n’aimeriez pas être à l’origine d’un conflit entre nos deux Cité-Etats. Le Chef de votre Armée n’apprécierait peut-être pas que vous ayez pris cette initiative… Votre peuple tout entier vous en garderait quelque rancune, surement.

Pour l’heure, nous avons perdu assez de temps. Conduisez-nous à lui, et mettez à profit la distance qui nous sépare de son office pour trouver une dénomination plus appropriée à utiliser la prochaine fois que vous vous adresserez à nous. »

Otto crispa sa main sur le manche de sa machette, scrutant avec attention la réaction des miliciens. Il sentait l’excitation monter en lui. Le Démon jubilait, souhaitant ardemment que la fierté de l’interlocuteur ait été suffisamment atteinte pour effacer toute trace de raison. Otto, quant à lui, espérait seulement que leur Délégation aurait assez d’Aura pour appuyer ses propos…

Quand on essaya de lui retirer sa belle épée, Kain eut un mouvement de recul, vite réprimé. Diplomatie, avait dit Otto en arrivant devant les murs de Delidar. A posteriori Kain se demandait si les deux seuls Gardiens présents, dont un non-élu par les Astres, était bien les plus aptes à gérer ça, la diplomatie. Il commençait à se sentir un brin perdu dans cette ville étrange, et eut une pensée plutôt mauvaise pour les autres membres du Conseil qui s'étaient désistés au dernier moment. Il en y en avait quand même parmi eux qui auraient mieux fait l'affaire que les deux guerriers, un possédé par le Démon, l'autre plus à même de tuer un tigre que de discuter avec ses semblables. A peu près n'importe lequel d'entre eux aurait mieux fait l'affaire, en y réfléchissant. Tas de lâcheurs.

Une fois arrivés devant le Capitaine, il fut surpris de s'entendre répéter un de ses murmure, certes prononcé, mais prononcé sous  des flots de mauvaise bière. Si il y avait une qualité que l'on ne pouvait dénier aux habitants de Delidar c'était bien leur talent pour l'espionnage. Voyant que ce Capitaine, qui n'avait pas eu la décence de donner son nom, le regardait lui en particulier, il lui fit au moins ce compliment, parfaitement sincère.

"Déjà, permettez moi de vous féliciter pour votre service de renseignements, si les membres du temple de Bast étaient moitié aussi efficaces, nous craindrions moins pour la sécurité de notre cité."

Il réfléchit avant de continuer. Di-plo-ma-tie. C'était flou comme notion, mais on pouvait toujours essayer. Après tout le temple de Cerbère était bien le seul à avoir un ambassadeur, Kain ne devait en aucun cas risquer de complétement ridiculiser le travail de son prédécesseur. Et puis Otto, depuis la remarque sur les noms, avait dans l'oeil cette lueur homicide qui rendait son comportement parfaitement imprévisible, ou trop prévisible hélas.

La guerrier allait devoir faire preuve, pour une fois, de finesse.

"Pour la phrase citée, qui n'engage que moi et pour laquelle je vous présente mes excuses, mettons la sur le compte du choc culturel. Une après-midi à circuler dans une cité où personne ne vous adresse la parole, ça use le moral. Moral achevé par la visite du dédale dont vous parlez." Et moral certainement pas remonté par la bière en fin de journée, pensa Kain, mais il ne le dit pas. "Quand à cette visite, si elle était interdite, nous nous en excusons derechef, mais à aucun moment nous n'avons été arrêtés par vos gardes, comme nous le fumes devant le Temple, le Palais ou la Bibliothèque. Dès lors cela ne nous paraissait pas plus hors-limite que les autres quartiers de Delidar. Auraient-ils ouvert la bouche pour nous l'interdire, que nous ne serions pas rentrés. Si ce qui vous inquiète est l'idée que nous ayons pu distribuer nourriture ou argent aux malheureux qui s'y trouvent, rassurez vous, nous les avons laissé dans l'état où nous les avons trouvé. On s'en voudrait d'empiéter sur vos coutumes séculaires qui doivent avoir, j'en suis sûr, leur raison." Ou leur déraison, mais bon c'était leur problème après tout si ils traitaient leurs propres concitoyens comme un stellesi aurait eu honte de traiter un chien.

Il reprit une inspiration, essayant de se rappeler ce qu'on en avait dit au Conseil avant leur départ. Qu'est ce qu'ils étaient venus faire ici précisément? Bon Kain, lui, il était venu surtout pour rajouter des muscles pour le voyage, mais le but de la délégation en général? Les conclusions du délibéré de la cession extraordinaire finirent par lui revenir en mémoire.

"Quand à la raison de notre voyage, elle tient à la curiosité d'une cité cachée à nos concitoyens des siècles durant, mais pas seulement. Elle est aussi économique, voir même diplomatique.

Economique d'abord. Nous avons vu le travail remarquable de vos artisans, et les richesses que la mer vous apporte. Stella, vous le savez peut-être, peut se vanter de fermes fertiles en blé et bétail, comme de mines n'ayant pas d'équivalent dans les terres connues." Et de la très très bonne bière, pensa Kain, mais il ne voulait pas mettre le nez du Capitaine, au sens figuré comme au sens propre, dans le brouet répugnant qui passait chez lui pour de la bière." Je suppose que cela ne fait pas partie du  rôle d'un Capitaine de Delidar, mais vous pouvez certainement voir que nos intérêts convergent sur quelques points, au delà de nos différences.

Diplomatique ensuite. La récente guerre entre Belerim et Anton, dont je ne sais si les échos vous ont atteint, a démontré le manque de respect, voir le mépris, que les deux grands états avaient pour les petites cités autonomes de Stella et des Six-Fleurs. A la suite de cet évènement nous avons resserré nos liens avec les floraliens, et un de nos ambassadeurs" (le seul) " a été admis en cette qualité dans leurs murs. Vous comprendrez que  la connaissance d'une cité-état entre Stella et les Six-Fleurs nous a interpelé, et que nous aurions tout à gagner à des relations cordiales, voir peut-être plus. Le monde est grand, et grands sont les dangers pour les petites puissances comme Stella, ou Delidar.

Nous préférerions en parler à un de vos dirigeants, sauf votre respect, qu'à un officier de l'armée, mais deux grands axes guident notre action: l'ouverture d'une liaison aéroportuaire entre Stella et Delidar, et la nomination officielle d'un ambassadeur dans chacune des deux cités.

La première journée entre vos murs nous a fait réaliser qu'un gouffre sépare nos modes de vie, et cela ne sera certes pas facile de le combler, ne serait-ce qu'en surface. Mais les bénéfices possibles sont trop grands pour que l'on ne s'en donne pas la peine. Il y aura des compromis, des restrictions, et sûrement des tensions, mais nous sommes venus avec l'espoir qu'un avenir meilleur en sortira.

Pour l'épineuse question du nom, nous nous sommes donnés le mal de trouver celui, caché, de votre peuple en rentrant ici. Vous pourriez faire de même, et nous appeler Stellesi. Mais sachez que je suis Kain, Gardien du Cerbère, voila Otto, Gardien du Talion, et Zébu Rayé, honnête guerrier de Stella. Vous pouvez nous nommer ainsi, et si vous aviez l'amabilité de nous donner le votre, Monsieur le Capitaine, nous aurions nous aussi l'honneur de vous appeler par votre nom."

Sur ce il salua respectueusement le soldat, se demandant ce que ça valait, comme diplomatie. En tout cas c'était crevant, il aurait encore préféré étrangler un tigre à mains nues.

Il se demandait aussi combien Delidar savait de ce qui se passait à l'extérieur de leurs murs. Si ils mettaient ne serait-ce qu'une partie de l'énergie et du talent avec lequel ils espionnaient leurs citoyens à se renseigner sur le reste du monde, peut-être étaient ils bien plus au courant que le Conseil ne l'avait cru. Était-ce pour cela qu'on les avait laissé rentrer?

Otto eut énormément de mal à contenir le Démon alors que le Capitaine leur crachait son arrogance au visage. Il dû paraître absent de la scène tellement la lutte interne qu'il menait accaparait toute son attention. Il ne saisit que vaguement les paroles de la victime tant convoitée, seuls certains mots lui parvenant lorsque sa volonté vacillait. Mais ils ne faisaient que raviver la Soif...

Otto sentit Kain l'empoigner fermement, l'entrainant vers l'arrière. Son regard était autoritaire, mais ne pouvait cacher une certaine crainte de la réaction du Gardien du Talion.
"On y va."
Son charisme et son expérience firent mouche. Otto obtempéra et fit volte face, sans un regard pour celui qui retenait toute son attention un instant auparavant. Il s'aperçut que ses paumes saignaient, là où les ongles avaient meurtri la chair. La brise, dehors, annonciatrice de pluie, le fouetta au visage. Il savait l'Emprise du Renard tenace. Sans un mot pour ses compagnons, il empoigna violemment la machette qu'un garde lui rendait, et détalla aussi vite que ses jambes le lui permettait vers la porte d'enceinte la plus proche.

Il couru ainsi pendant plusieurs heures, jusqu'à se retrouver face à l'orée de la Forêt de la Brèche qui s'étendait encore au Sud de Delidar. Là, tapis dans le sous-bois, un Renard, un des plus fragiles avatars du Démon, semblait l'attendre, une lueur malsaine luisant dans le regard. Otto s'arrêta net à sa vue, haletant pour reprendre son souffle. Ils restèrent un moment ainsi, à se jauger. Puis la pluie commença à tomber, et le Renard jaillit d'un buisson, toutes griffes et  tous crocs dehors.

"Une Offrande pour le Démon !"

Otto libéra toute la rage accumulée à Delidar dans ce combat. Il fut long, et se termina lorsque le Renard n'eut plus la force de bouger, lacéré en maints endroits. L'Elu tomba à genoux près de la bête sacrifié pour assouvir la Soif, et le flot d'arkhanas pénétra en lui. La pluie participait aussi à la sensation d'apaisement qui l'envahit. Il se félicita d'avoir réussi à maitriser le Démon dans l'enceinte de la ville, mais regretta l'échec de sa mission. Sans la présence et la maturité de Kain, leur délégation aurait couru à la ruine. 9 Queues les aurait conduit dans une impasse.

Otto déplora une nouvelle fois son jeune âge... Déplorer les responsabilités qui dévoraient sa jeunesse eût été plus juste... Il eut une pensée pour Kain et Zébu qu'il avait planté aux portes des geôles. Il devait les rejoindre, ne serait-ce que pour continuer leur mission. Mais pas tout de suite. Le Démon ne saurait se satisfaire d'une simple offrande. La Brèche l'appellait. Il s'enfonça en elle, ruisselant d'eau mêlée de sang...

Vu que la convocation des Rêveurs mettait du temps à venir, nos trois amis décidèrent de partir se balader. Kain, en particulier, voulait voir la mer, il n'avait jamais vu la mer.

Ils confièrent donc leur projet au capitaine de la milice, achetèrent des provisions, et mirent le cap à l'Est. Une route infestée d'affreux chacals de feu et de fiers loups infernaux les mena jusqu'au Port Lurdias, la principale source d'approvisionnement en nourriture de Delidar. Les habitants y étaient nettement moins méfiants que leurs homologues urbains, ni mot de passe ni surveillance permanente des visiteurs, même si ceux-ci soulevèrent tout de même quelques sourcils curieusement interrogateurs. Après avoir trouvé un adorable petit restaurant sur la jetée, les stellesis purent déguster des fruits de mer et des plats de poissons grillés si bons que même la bière de Delidar en paraissait bonne, les pieds quasiment dans l'eau.

Kain était enfin content. Enfin ce voyage si décevant lui apportait quelques satisfactions. La mer ne ressemblait pas du tout à ce qu'il s'imaginait (en gros une mare aux canards en plus grand), c'était cent fois mieux. C'était vaste à l'infini, ça sentait le sel, il y avait du vent, des plages de sable fin, et des marais giboyeux. Il serait bien resté quelques semaines sur place. Il aurait même pu apprendre à nager, pour l'occasion.

Malheureusement les Rêveurs allaient peut-être enfin condescendre à suffisamment remuer leurs royaux arrière-trains pour leur envoyer une convocation, et ils durent donc plier bagages le lendemain de leur arrivée, sans avoir même pu finir un seul château de sable. En retrouvant les murs tristes et gris de Delidar, Kain ressentit un pincement au coeur. Ils lancèrent le mot de passe à des gardes indifférents, et commencèrent à s'acheminer vers l'auberge, en passant chez le tanneur, pour vendre les quelques peaux de chat talis tués sur le chemin. Et c'est en pleine discussion avec le commerçant sur la rareté exceptionnelle des peaux ramenées qu'ils virent rentrer un type assez bizarre dans la boutique.

Déjà il n'avait pas de tatouage, ce qui était rare chez les habitants de Delidar. Et puis il n'avait pas la tête locale. Bon il avait quand même une sale tête d'étranger pour Kain, mais ce n'était pas le même style, pas les traits caractéristique qu’il avait appris à reconnaitre, et qu'il trouvait si grossiers, ces traits que des siècles de mariages entre cousins plus ou moins proches avaient imprimé dans la physionomie du peuple de Delidar. Là, à ses yeux, c'était plus une tête de fouine, le genre de type qu’on ne pouvait pas croiser sans se demander si à un moment ou à un autre il n’allait pas vous planter un couteau dans le dos. Une bonne tête de belerin, comme il les détestait tant.

Kain n'était pas bien physionomiste, mais quand l'étranger lui fit un coucou timide de la main, il réalisa à qui il avait à faire. Billy, l'affreux Billy qui avait embêté ses amis Oubliés quelques semaines auparavant en les forçant à jouer à un jeu de cache-cache avec lui, où le perdant se retrouve direct à l'auberge sans passer par la case d'entrée du village. 'Non, mais c'est pas possible, qu'est ce qu'il fout à Delidar?' se demanda Kain, les yeux ronds.

Décidément il était écrit dans les astres que Billy serait un cailloux dans la chaussures des Oubliés du Temps, un morceau de viande coincé entre leurs dents. Kain ne pouvait pas le tuer en pleine rue en plein jour, alors qu'on lui avait collé ce rôle idiot et inadapté de diplomate. Mais qu'est ce qu'il était encore venu faire ici, en pleine négociations stelleso-delidarienne? Juste les narguer? Si c'était le cas, Kain avait connu des morpions moins opiniâtres.

Il lui fit donc coucou aussi, vaguement gêné du ridicule de la situation. Puis, en quittant le tanneur, il envoya un message au capitaine anonyme mais de leur connaissance quand même, pour lui donner des informations sur le passé d'assommeur nocturne et déguisé de Billy, et lui signaler l'inimité tenace entre lui et le Conseil de Stella. Qu'on aille pas les imaginer complices, ce serait le ponpon! Il envoya aussi la position du vilain à ses amis, juste pour les rassurer sur le fait que la racaille ne hantait plus leur belle Stella. En gagnant leur auberge, une pensée le traversa: et si on les avait logé dans la même auberge, eux et Billy? Mais quelle galère, ce voyage! La prochaine fois qu'au conseil on dirait 'qui n'est pas volontaire lève la main!' il s'arrangerait pour ne pas être en train de roupiller sur sa chaise.

Dernière modification par Kain (16-03-2010 15:05:33)