Forum Arkhan

Alors qu'il cherchait le palais, Bedain crut reconnaître un temple

"Chais pas trop ce qu'ils prient par ici, mais y'a pas de raison que les astres ne m'entendent pas moins dans ce temple que dans un autre"

Il entra donc et dédia sa prière au Cerbère. Qui l'entendit. Plus aucun doute désormais : la mission du jeune diplomate serait couronnée de succès. Il en était persuadé car le Cerbère était descendu : Bedain l'avait vu, Bedain l'avait entendu.
Enfin entendu non. Enfin pas tout à fait. Une sorte de vacarme saisissant en fait. D'ailleurs après la révélation, il s'était retourné vers la dame qui était aussi dans le temple (une dame blonde à l'air un peu ahuri) pour vérifier si elle n'avait pas été trop gênée, mais apparemment, elle n'avait rien capté. Il était peut-être le seul à avoir vu cette apparition, ou alors elle avait l'habitude de ce genre de manifestation (ce serait incroyable !) ou alors elle était encore plus bête qu'elle n'en avait l'air... Enfin tout ça pour se rendre compte qu'après cette sublime, cette déroutante, cette divine révélation, sa vue s'était trouvée plus perçante et son ouïe plus acérée. Les astres l'accompagnaient.

Revigoré et gonflé à bloc, Bedain marcha de pied ferme jusqu'au palais, se laissant guider par les indications des passants. Il ne comprenait pas très bien le système. Le représentant de la Cité, un certain Katastrophès (il s'était beaucoup entrainé à en prononcer le nom pour ne pas faire de bourde) était une sorte de roi mais en fait non. Il en avait le pouvoir mais il était choisi par des gens. Enfin ça c'est ce qu'il avait compris, mais ce n'était certainement pas ça, parce que les gens ne nomment pas un roi ou quoi.

Le pouvoir est forcément d'essence divine !

En tous cas, d'après ce qu'il avait pû glaner comme informations dans la ville, Katastrophès ne faisait pas l'unanimité. C'est ça quand on se proclame roi parce que des gens vous ont choisi. Ca peut pas être quelque chose de sérieux. Ca ne tient pas. Ben forcément, y'a pas de dieu derrière !

Finalement, Bedain arriva devant le palais. Il s'attendait à quelque chose d'un peu plus grandiose, avouons-le. Il n'avait jamais vu de palais, certes, mais il était déçu. Il était assez grand, mais bon quand même pas tant que ça. Et puis y'avait pas d'or partout. Ca ne scintillait même pas ! Voilà. Choisi par des hommes. Il faut savoir tirer leçon des évidences.
Enfin quand même, devant la porte se trouvaient deux hommes avec une assez belle livrée. Katastrophès devait avoir un peu de sous pour habillée sa garde malgré tout. Bedain se mordit la langue pour ne pas commettre d'impair. Il était là en délégation, il ne devait pas dire tout haut ce que ce système politique lui inspirait s'il voulait  nouer une amitié entre Stella et Six-Fleurs.

Il s'approcha des deux hommes en livrée, remonta le menton pour se donner de l'importance. Bedain était assez bien bâti pour son âge, et même s'il n'avait pas beaucoup d'allure, il pouvait assez impressionner. Ou pas. Les gardes étaient quand même des personnes entrainées et habituées aux esclandres. Mais l'adolescent se persuada qu'il ressemblait à quelqu'un de respectable et de fort, et il s'adressa ainsi aux vigiles :

"Je suis Bedain, de Stella, membre du temple du Cerbère, et au nom des élus des astres, je voudrais rencontrer Ka... heu le seigneur Katastrophès. J'ai un message à transmettre de la part des dirigeants stellesi."

Il avait annoncé ça d'une traite, et il n'envisageait qu'une seule réponse à sa requête, elle tenait en trois mots : "Suivez-nous monsieur". Il attendit donc que cette réponse parvienne à ses oreilles (qui avaient désormais une excellent qualité de réception) en gardant cette position qui se voulait honorable, le menton en l'air.

Le garde et Bedain arrivèrent dans la grande salle de ce palais franchement décevant. La décoration de la pièce ressemblait à celle des couloirs : raffinée mais bon, sans plus. Elle ne valait pas la moitié du luxe des temples stellesi qui pourtant ne devaient pas être si exceptionnelle. Mais il fit attention à ne rien montrer de sa déception, essayant de se persuader que, par rapport à chez ses parents, y'avait pas photo.

Au bout d'une grande table en bois couverte de divers plats débordant de nourriture, un personnage ratatiné et chauve. Et vu ses propos, c'était sans doute Katastrophès. Après tous, les hommes sont appelés à vieillir, et Messire Aristote aussi avait été un personnage vieux et fripé avant de mourir de la peste quelques saisons plus tôt. Finalement, Bedain éprouva de la compassion pour la solitude de Katastrophès, contraint à manger seul des banquets entiers. Banquets qui... miam... sentaient bien bon et mettaient en appétit. Le garçon tenta de réprimer un gruik venu du fond de son estomac et pria très fort que personne ne l'ait entendu.

Il salua Katastrophès à la mode stellesi, de la même façon qu'il saluait habituellement un élu des astres quand il en rencontrait un, et ouvrit enfin la bouche, comme s'il parlait à un roi, un vrai :

"Seigneur, je m'appelle Bedain, membre du temple du Cerbère à Stella. Je suis mi... miniossé... miossiné... Je suis envoyé par les dirigeants de Stella pour vous présenter leur amitié et leur volonté de créer une alliance duralbe entre nos deux cités."

Aïe... Ca commençait mal... Il fallait essayer de se rappeler des mots compliqués qu'utilisaient les conseillers, mais ce n'était pas très facile

"Nos deux cités n'ont pas la gloire et la richesse des royaumes de Belerim et d'Anton, mais notre amitié pourrait créer un contre-poids à notre faiblesse militaire et dilpomatique. Lors du tournoi à Belerim, Stella et Six-Fleurs n'ont pas été pris très au sérieux et d'ailleurs nous ne sommes pas invités à y patriciper. Pourtant c'est des Stellesi et des Floraliens qui ont réglé les problèmes, et d'ailleurs, les élus des astres se sont bien entendus avec les gens de Six-Fleurs."

Après cette première présentation du pourquoi de sa venue, pleine de mots douteux et de prononciations hasardeuses, Bedain décida qu'il devait maintenant laisser Katastrophès réagir et attendit, dans une posture somme toute correcte.

"Euh..."

Bedain s'était finalement assis machinalement sur la chaise que lui présentait Katastrophès, sans trop comprendre ce qui lui arrivait, et mû par une force invisible, il goûta à ce qu'on lui présentait, oubliant où il se trouvait.

"Mmmmh... Chest chacrément bon, vot'truc !"

Il mangea deux ou trois morceaux en savourant son repas avant de revenir enfin à ce qui l'amenait là.
"Et donc ? Etre copain avec Stella, ça vous dit ?"

Bedain n'était pas bien sûr d'avoir compris tous les mots du grand-père, mais vu le contexte, il supposait. Heureusement pour lui, et pour Stella, il supposait bien. Il était peut-être jeune, mais pas non plus idiot.

"Ben, là par exemple, c'est Anton qui fait tout le commerce. Nous à Stella on n'a pas, ou peu, de marchands, alors qu'à Six-Fleurs, j'ai entendu dire qu'y en a plein. On pourrait déjà faire des échanges comme ça. Et puis nous on a plein de villages miniers, on a même une route des mines, alors comme ça, pour revendre entre nous...
Alors le problème, c'est que c'est Anton qui s'occupe des aréonefs, et du coup, c'est assez cher. Vous savez, le voyage m'a coûté 250 deniers, hein ! C'est pas rien, alors pour se voir souvent c'est pas forcément facile. Alors aussi, on pourrait avoir des anssabades, comme ça, quand y'a des expos et tout, ben on pourrait s'inviter, et ça, ça fait très copains."

Slurp
Bedain repose le verre de vin, qui devait être bien délicieux, vu qu'il est déjà vide. Mais comme Bedain est un adolescent, il n'a pas vraiment vraiment l'habitude de boire du vin. D'autant que du vin, à Stella, il n'y en a pas beaucoup. Il y a bien de la bière, mais comme c'est un peu amer, ça ne se boit pas aussi vite ! Et son visage commence à rosir, ce qui fait ressortir ses taches de rousseur de façon très particulière.

"Vous pouvez aussi vendre votre boisson rouge là. On n'en a pas chez nous. Par contre, on a beaucoup de forêts et du coup, on a plein de fruits et des champignons aussi au début de la saison maudite. Alors bon c'est pas facile, il faut toujours que des guerriers protègent les cueilleurs à cause des aberrations. Mais c'est très bon les champignons, on peut les faire relever à la poêle, ou alors en sauce, avec du gibier. Je suis sûr qu'avec votre truc rouge mélissime là, ça doit aller super bien. Par contre faut faire gaffe, y'en a qui sont pas conseptibles parce qu'il y a du poison dedans.
Et sinon, comme les élus ils aiment bien les Alchimistes Républicains, on pourrait faire des voyages ensemble, ou des échanges. Vous connaissez le système des correspondants ? On écrit à une personne qu'on n'a jamais vu, et on s'écrit souvent. On se dit ce qu'on aime, ce qu'on aime pas et tout, et puis après on se rencontre. Y'en a un qui va chez l'autre et après on fait le contraire. On a fait ça quand on allait à l'école. Au début c'était pour apprendre à écrire..."

Et bla et bla et bla. Voilà que le jeune homme, noyé dans l'alcool, commence à raconter sa vie. Si Katastrophès ne l'arrête pas très vite, il va finir par raconter le jour où ses sœurs sont venues au monde...

Après avoir bien mangé, bien bu et bien bavardé, Katastrophès ramena Bedain jusqu'à la porte de son "palais".

Bedain était bien content, il avait réussi à mener à bien au moins une partie de sa mission. Il avait même oublié le manque de faste : l'abondance de nourriture pardonnait tout. D'ailleurs le doyen lui avait expliqué 2-3 trucs sur leur système politique, et il avait réussi à être à peu près convaincant. Même si bon, faudrait que le vieux fasse une ou deux prières aux astres histoire de leur expliquer son concept quand même.

Il quitta le dirigeant floralien en lui serrant la paluche avec un "à la prochaine !" bien placé.

Hop ! Un petit compte-rendu aux élus et un holoring à Ronce, qui l'avait un peu oublié semble-t-il, et cette fois une réponse de sa part. C'était parti pour une battue aux sangliers en compagnie des Alchimistes Républicains, Bedain espérait qu'il serait à la hauteur...