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Depuis de nombreuses années, le temple de Swllrgh était silencieux. Peu de fidèles se donnaient encore la peine de venir y prier, et les suppliants s'étaient faits rares. Probablement à cause de la paix qui regnait globalement dans le monde. La guerre s'accompagne du chaos, qui est propice aux coups audacieux, et ces coups audacieux s'accompagnaient souvent de coup dans le dos. Ceux-ci, à leur tour, rappelaient aux badauds l'existence de Swllrgh, soit pour les perpétrer, soit pour se venger.
Et justement, la guerre récente entre Anton et Bellerim était une excellente nouvelle pour la grande prétresse de Swllrgh, les affaires pouvaient enfin reprendre.
Justement, alors qu'elle s'occupait des comptes du culte, un acolyte vint la trouver.
- Grande Prêtresse, un visiteur demande à vous rencontrer.
- Dîtes-lui de s'adresser à un des prêtres
- Ce n'est pas n'importe qui, Grande Prêtresse.
Annie releva la tête
- Tous les hommes sont égaux devant la déesse, acolyte. Tu dois le savoir. Les titres, les fortunes, tout cela disparait lorsque nous intervenons.
Puis rebaissant le regard sur ses comptes... Elle ne pouvait pas trop se permettre de perdre un client, surtout s'il était vraiment important. Encore une fois les principes devraient s'effacer devant les contingences matérielles
- Mais je vais m'en occuper. Dirige-le vers une alcôve
Quelques instants plus tard, Annie entra dans la partie intérieure de l'alcôve, puis ouvrit le le volet du guichet grillagé, qui lui permettait de voir son interlocuteur, quand lui-même ne pouvait que l'entendre. C'était un homme dans la force de l'age, qu'elle reconnu aussitôt
- Que veux-tu de la déesse, fidèle?
L'homme semblait nerveux. L'environnement du temple et la voix de la grande prétresse ne l'aiderait sûrement pas à s'apaiser.
- J'ai un... souci, que je pense que la déesse pourra m'aider à résoudre. J'aimerais qu'il soit résolu assez vite, les conséquences pour moi sont assez importantes.
- La déesse agit quand bon lui semble, mais je vais m'adresser à elle afin qu'elle écoute son fidèle. Bien entendu, vous êtes un fidèle et vous vous acquittez réulièrememnt de l'obole au temple afin de montrer votre dévotion?
L'interlocuteur devint écarlat
- j'ai peut-être un peu de retard là-dessus. Mais regardez, je venais justement amener à la déesse tout le retard que j'avais accumulé
- Mettez le dans le tiroir devant vous. Je me chargerai de le transmettre à la déesse
Annie entendit le bruit d'un sac plein de deniers qu'on posait dans le tiroir, puis, par un mécanisme habillement installé dans l'alcôve, récupéra le contenu du sac. Comme prévu, le sac contenait un prix raisonnable, mais aussi un fin parchemin sur lequel étaient inscrit deux mot : le nom du "souci", et sa position actuelle. En le lisant, Annie fronça un sourcil, puis émit un petit ricanement silencieux. Ce serait joindre l'utile à l'agréable, il y avait même un petit côté ironique dans la situation.
- La déesse accepte votre offrande et vous pardonne votre retard. Avez vous un message à adresser à votre souci?
Le fidèle semblait de plus en plus pressé de s'en aller
- Non, pas de message. Par contre j'aurais besoin de savoir quand ça sera fait.
- Non. Vous le saurez une fois que la déesse aura résolu votre problème. Vous pouvez vous retirer.
Sortant également de l'alcôve, Annie appela un acolyte :
"Je suis dans mon bureau. Qu'on ne me dérange sous aucun prétexte, sous peine d'encourir le courroux de la déesse"
Une fois enfermée dans son bureau, Annie activa un mécanisme secret. Un passage sombre s'ouvrit, dans lequel elle s'engouffra : il fallait qu'elle s'entretienne avec le Grand Maître, afin de choisir les porteurs de la colère de la Déesse
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Annie se tenait devant le Grand Maître. Les rapports qu'elle entretenait avec celui-ci étaient compliqués. De même qu'elle était seule décisionnaire de toute ce qui concernait la vie religieuse de l'ordre, le Grand-Maître était responsable de tout ce qui concernait la vie séculaire. Annie était l'autorité suprême en ce qui concernait la volonté de la Déesse, le Grand-Maître était l'autorité suprême en ce qui concernait sa réalisation.
Bien entendu, à l'inverse d'Annie, le Grand-Maître était inconnue de tous, même à l'intérieur du culte. Seule la grande Prétesse connaissait son identité. Sous ses ordres, il avait un Maître par grande cité, qui lui était subordonné, de la même manière que Annie avait un prêtre par cité. Ceux-ci avaient à leur tour sous leur ordres toute une hiérarchie prête à tout pour servir la déesse.
Autant le culte était public, autant la partie "réalisation" était compartimentée au maximum. Les ordres des Maîtres et du Grand-Maître passaient obligatoirement par les prêtres et grand-prêtres, afin de préserver l'anonymat de ceux-ci. Même entre eux, les Maîtres ne se connaissaient pas. Les subordonnés ne se connaissaient pas entre eux, et ne connaissaient pas le nom de leur supérieur. Lorsque deux d'entre eux devaient opérer de concert, ils le faisaient déguisés et se séparaient dès que le désir de la déesse avait été rempli.
- Ce contrat n'est pas trop compliqué à réaliser, dit le Grand-Maître. Cependant, les conséquences politiques risquent d'être importantes
- Les conséquences politiques, c'est mon problème. De toute façon, la Déesse...
- Ne fait pas de politique. Je sais. Mais nous allons subir des pressions. Ils voudront savoir le commanditaire.
- Qu'ils viennent. Un ou deux "accidents" devrait calmer les plus excités.
- Très bien. Si la Déesse le demande. J'ai la personne qu'il te faut. Je te préviendrai quand la Déesse aura été contentée.
L'entretien était clos. Annie fit un signe de tête qui lui fut rendu, et repartit vers le temple par le passage souterrain
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Un très léger bruit troublant le silence quasi total de son bureau attira l'attention d'Annie alors qu'elle méditait. Aussitôt, elle vérifia rapidement que personne ne pouvait la voir, et ouvrit le passage qui menait à l'antre du Grand Maître. Celui-ci avait l'air sombre
- Un intrus a interféré avec la volonté de la Déesse. La cible est dans un état grave, et vu son importance, il est probable qu'il soit surveillé de près. Nous devons reporter notre action à un temps plus propice.
- J'espère que quelqu'un a expliqué à l'intrus que notre Déesse n'aime pas qu'on la dérange
- Oui, c'est règlé. Notre fidèle a pris soin de lui expliquer en détail.
- Parfait, je lui enverrai également un petit message pour lui expliquer plus clairement, des fois que son coma ne soit pas suffisant. Laissez quelqu'un dans le coin, qu'il soit prêt à frapper dès que possible. La Déesse aime le silence, pas les retards
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A peine quelques jours plus tard, dans l'antre du Grand Maitre
- C'est fait.
- Déjà?
- Oui, j'ai envoyé un de nos meilleurs agents, il n'a finalement eu aucun problème. Il n'a pas été détecté. Il s'est arrangé pour que la cause de la mort soit facilement identifiable. Plus personne ne peut douter de notre puissance. Chacun sait désormais qu'il est une cible potentielle et que rien ne le met à l'abri
- Parfait. La Déesse te remercie. Je te ferai parvenir la partie de l'obole qui te revient, tu pourras récompenser ton agent. Encore une chose. J'ai besoin que tu fasses parvenir cette lettre au commanditaire. De préférence de manière à l'effrayer, il ne faudrait pas que des idées saugrenues lui viennent à l'esprit
Puis Annie rentra à son bureau, et retira d'une cache secrète un carnet dans lequel elle barra un nomFankia, Fils du Cerbère
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