Forum Arkhan

On ne lui laissa pas l'occasion de faire montre de ses maigres talents en premiers secours. Le Séneçon et la Garde furent courtoisement – mais fermement – raccompagnés à la porte de la bibliothèque. Cosmophile ne réussit pas à en savoir plus sur ce qui c'était passé auprès de Yokinoss, qui ne traîna pas sur place. Au demeurant, Cosmophile avait lui aussi à faire – un voyage en bateau autour du monde à préparer.

Mais tout de même ! Quel dommage de n'avoir pas pu glaner plus de renseignements sur les îles bordant les continents de Qerb et de Barratie, ni d'avoir pu se renseigner auprès de Caius sur la bibliothèque d'Anton avant d'aller la visiter à l'occasion de l'une des étapes de son voyage...

Apparemment le maître bibliothécaire n'avait pas de holoring, ou ne l'utilisait jamais. Cosmophile lui écrivit une lettre avant de partir de Six-Fleurs, pour s'enquérir de sa santé et entamer des échanges épistolaires avec lui. Il n'eut pas de réponse. Il tenta de nouveau lors d'une escale à Port Telrias puis à Kordrivel, en vain : il lui avait indiqué comme adresse pour répondre à ses courriers une auberge qu'on lui avait recommandée à Anton. Hélas, à son arrivée dans la capitale du Sud-Ouest, il ne trouva aucun réponse qui l'attendait. Il ne savait même pas si Caius était remis de son malaise ou pas, ni si son absence de réponse était le fruit d'une volonté, d'une étourderie ou d'une incapacité.

Eh bien tant pis ! Cosmophile se pointerait à la bibliothèque d'Anton au petit bonheur et verrait bien comment il serait reçu.

Une fois que Cosmophile eût rempli et signé le tout petit formulaire, et payé l'inscription, la dame lui prépara une carte de lecteur avec son nom et son numéro. Il put la récupérer au bout de quelques minutes seulement, sans avoir à revenir la chercher une ou deux semaines plus tard. Il était désormais temps de passer aux choses sérieuses :

« Je voulais faire des recherches sur les continents et les îles du monde, et sur les exploration maritimes... Dans quel coin est-ce que je peux trouver des livres là-dessus ? »

« Montez les escaliers : premier étage avec les livres sur le voyage. Bonne recherche. » Sitôt qu'elle eût indiqué au rôdeur où aller, la femme s'affaira de nouveau à ses papiers, les yeux rivés à son bureau.

En haut d'un escalier monumental, qui se poursuivait au-delà du premier étage, se déroulaient d'impressionnants rayonnages, à n'en plus finir. Les ouvrages les plus haut étaient accessibles par une échelle qui coulissait sur des rails fixés au sol et au plafond, un ingénieux système de fonctionnement. Un gain de place considérable. Chaque travée était qui plus est confortablement éclairée par une immense fenêtre à son extrémité.

Cosmophile prit un peu de temps pour se repérer parmi les rayonnages puis s'arma d'un carnet vierge et d'un crayon tout neuf pour noter les choses les plus intéressantes qu'il trouverait au cours de ses recherches. Il comptait procéder par ordre : d'abord il consulterai quelques ouvrages de géographie générale pour voir si l'on y mentionnait d'autres terres émergées que les continents de Barratie et de Qerb ou la grande île de Valoryn (idéalement, il dresserait une liste des îles et archipels connus au large de ces continents ou même plus loin en mer, et aussi des îles légendaires) ; ensuite il chercherait ce qui pouvait être dit dans les livres sur les expéditions qui avaient pu être entreprises pour découvrir de nouvelles îles dans les océans.

Le rôdeur passa une première journée à la bibliothèque, compilant des notes sur plusieurs livres, aidé par les bibliothécaires qui s'occupaient de cette partie des rayonnages. Ils étaient à chaque fois aimables et serviables, si bien que Cosmophile avança bien dans ses recherches. Beaucoup de livres, bien évidemment, parlaient de Valoryn, l'une des plus grandes îles connues, si ce n'était la plus grande de toutes. Non loin à l'ouest du continent, elle faisait face à la presqu'île du Lonlad et accueillait la seconde ville du Royaume. L'histoire de l'île, l'établissement de Jilat, le développement du commerce, la migration progressive vers Culae : tout était décrit de l'histoire de l'île et de la cité de Valoryn. En descendant plus au sud le long de la côté continentale, on trouvait aussi les rochers de Palidar. Ils étaient décrits comme de petites îles rocailleuses et glissantes, peuplées de chimères. Les bateaux qui prenaient la mer entre Port Morteseaux et Port Hulmer devaient contourner ces rochers pour ne pas s'y échouer. D'autre documents parlaient de l'île de la Citrouille et de son étrange topographie, de l'expédition qui s'y était rendue, de mystérieuses disparitions d'aéronef en mer ou encore évoquaient de légendaires continents par-delà les mers.

Les jours suivants, Cosmophile compléta ses recherches géographiques du premier jour puis se rendit dans la section des romans, à l'étage du dessus : les contes et légendes aussi pouvaient parfois donner des indications intéressantes. Il y trouva les mêmes impressionnants rayonnages avec ces mêmes gigantesques fenêtres qui laissaient entrer une lumière agréable pour la lecture. Au lieu des tables de travail de l'étage du dessous, il y avait un coin salon d'aménagé, dans lequel on pouvait lire les ouvrages mis à disposition à cet étage. Quelques personnes avaient un livre en main, qu'elles dévoraient, confortablement installées dans un fauteuil.

Il lut de nombreuses histoires de cités imaginaires ou perdues, disparues avec le Grand Fléau, réapparaissant à certaines périodes, ou situées sous terre ou dans le ciel, ou dans une autre dimension. Des histoires a priori toutes plus farfelues les unes que les autres... mais en y repensant le rôdeur se dit que l'aventure qui l'avait conduit, lui et quelques autres, à rencontrer Valencian était elle-même pleine de choses qui auraient parues étranges à qui n'était pas du voyage. Peut-être était-ce pour cela que Caius n'avait plus donné suite à ses tentatives de contact ? Jugeait-il tout cela trop fabuleux pour être vrai ? Cosmophile se demanda en fin de compte si tout était si fantaisiste dans les derniers ouvrages feuilletés... et s'il aurait un jour l'occasion d'en savoir plus sur ces choses.